Histoire de Charles XII by Voltaire

Histoire de Charles XII by Voltaire

Auteur:Voltaire [Voltaire]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
Éditeur: Librairie Eugène Belin
Publié: 1886-01-01T00:00:00+00:00


LIVRE SEPTIÈME

ARGUMENT. – Les Turcs transfèrent Charles à Démirtash. Le roi Stanislas est pris dans le même temps. Action hardie de M. de Villelongue. Révolution dans le sérail. Bataille donnée en Poméranie. Altona brûlé par les Suédois. Charles part enfin pour retourner dans ses États. Sa manière étrange de voyager. Son arrivée à Stralsund. Disgrâces de Charles. Succès de Pierre le Grand. Son triomphe dans Pétersbourg.

Le bacha de Bender attendait Charles gravement dans sa tente, ayant près de lui Marco pour interprète. Il reçut ce prince avec un profond respect, et le supplia de se reposer sur un sopha ; mais le roi, ne prenant pas seulement garde aux civilités du Turc, se tint debout dans la tente. « Le Tout-Puissant soit béni, dit le bacha, de ce que Ta Majesté est en vie ! mon désespoir est amer d’avoir été réduit par Ta Majesté à exécuter les ordres de Sa Hautesse. » Le roi, fâché seulement de ce que ses trois cents soldats s’étaient laissé prendre dans leurs retranchements, dit au bacha : « Ah ! s’ils s’étaient défendus comme ils devaient, on ne nous aurait pas forcés en dix jours. — Hélas ! dit le Turc, voilà du courage bien mal employé. » Il fit reconduire le roi à Bender sur un cheval richement caparaçonné [1]. Ses Suédois étaient ou tués ou pris ; tout son équipage, ses meubles, ses papiers, ses hardes les plus nécessaires, pillés ou brûlés ; on voyait sur les chemins les officiers suédois presque nus, enchaînés deux à deux, et suivant à pied des Tartares ou des janissaires. Le chancelier, les généraux, n’avaient point un autre sort ; ils étaient esclaves des soldats auxquels ils étaient échus en partage.

Ismaël bacha, ayant conduit Charles XII dans son sérail [2] de Bender, lui céda son appartement et le fit servir en roi, non sans prendre la précaution de mettre des janissaires en sentinelle à la porte de la chambre. On lui prépara un lit ; mais il se jeta tout botté sur un sopha, et dormit profondément. Un officier, qui se tenait debout auprès de lui, lui couvrit la tête d’un bonnet, que le roi jeta en se réveillant de son premier sommeil ; et le Turc voyait avec étonnement un souverain qui couchait en bottes et nu-tête. Le lendemain matin, Ismaël introduisit Fabrice dans la chambre du roi. Fabrice trouva ce prince avec ses habits déchirés, ses bottes, ses mains et toute sa personne couvertes de sang et de poudre, les sourcils brûlés, mais l’air serein dans cet état affreux. Il se jeta à genoux devant lui sans pouvoir proférer une parole : rassuré bientôt par la manière libre et douce dont le roi lui parlait, il reprit avec lui sa familiarité ordinaire, et tous deux s’entretinrent en riant du combat de Bender. « On prétend, dit Fabrice, que Votre Majesté a tué vingt janissaires de sa main. — Bon, bon ! dit le roi, on augmente toujours les choses de la moitié. »



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.